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LES GLAÇURES "GOUTTES D'HUILE"

Article de John Britt

 
 
 
 
 
 
 
John Britt est né en 1958 à Washington DC, mais il vit à Dayton dans l'Ohio. Il est potier depuis une vingtaine d'années. Diplômé en philosophie et en conseil, c'est en potier autodidacte qu'il a suivi des cours à Haystack, Alfred, Arrowmont et autres centres d'artisanat et collèges. Il a travaillé et enseigné à l'Université de Dayton, à l'institut des arts de Dayton, à l'école des métiers d'art de Penland, à Collin County, à Cedar Valley et aux collèges communautaires de Brookhaven et Mayland. Il a enseigné toutes sortes de formations céramiques dont le modelage, le tournage, la sculpture, la chimie des matières premières et des glaçures, les techniques d'émaillage et la construction de fours auprès d'élèves de tous niveaux.

Il a travaillé pendant trois ans comme coordonnateur Terres à l'École des Métiers de Penland. Il a écrit six articles pour la revue Ceramics monthly, a édité des mots croisés pour Clay Times et participé au jury de 500 Bowls chez Lark Books. Enfin, Il est l'auteur du Guide complet des glaçures de grand feu, émaillage et cuisson à cône 10, publié par Lark Books.

 

 

La plupart des glaçures céramiques sont simples à formuler et très facile à cuire. Mais il y a quelques glaçures et effets qui ont la réputation d'être plus ou moins inaccessibles et difficiles à obtenir. C'était certainement le cas au début du 20ème siècle avec les rouges de cuivre et les bleus de fer (celadons). Ces glaçures ont eu une histoire chargée de secrets et un mythe les entourre. Une histoire relate même qu'un empereur chinois a jeté des esclaves dans le four pendant la cuisson afin de produire l'effet si recherché du "rouge de cuivre". Bien heureusement, cela s'est avéré inutile, parce que nous avons appris qu'en faisant la réduction dans le four au début de la cuisson cela produisait de très beaux rouge de cuivre. Les glaçures "gouttes d'huile" ont également la réputation d'être inaccessibles mais je le montrerai en cet article qu'il est très facile les créer lorsque vous connaissez bien le processus qui permet de les obtenir.

Bol à thé gouttes d'huile, John Britt, 2004, Grès blanc, cuisson gaz en oxydation à cône 11 multi-glaçures, 10,0 x 7,5 x 7,5 cm

 

Le facteur le plus important pour obtenir les glaçures " gouttes d'huile " est la cuisson en atmosphère oxydante. Ceci ne doit pas être exagérée. L'oxydation est essentielle pour favoriser le mécanisme de formation des gouttes d'huile. Dans ces conditions, la molécule d'oxyde de fer rouge ou hématite, Fe2O3, larguera un atome d'oxygène à approximativement 1232 °C. À cette température, la molécule d'oxyde de fer rouge est instable, elle ne peut plus maintenir sa structure complexe et libére un atome d'oxygène pour devenir une molécule plus simple d'oxyde ferreux, FeO, ou oxyde de fer noir. L'oxygène quitte la molécule d'oxyde de fer rouge sous forme de gaz et produit un bouillonnement sur la surface de la glaçure fondue, entraînant avec lui un peu de fer (image sur la gauche). Quand il atteint la surface et s'échappe de la glaçure il produit une " tache " de fer qui crée le l'aspect caractéristique des gouttes d'huile. Cependant, si la glaçure est réduite précocément lors de la cuisson et avant la fusion, l'oxyde de fer rouge aura déjà été transformé en oxyde de fer noir, et il n'y aura plus aucune possibilité de largage d'oxygène à plus haute température pour créer l'effet "gouttes d'huile". Il est clair que sans un cycle de cuisson en oxydation il ne peut y avoir production de l'effet "gouttes d'huile".

 
Le second facteur important est la recette de la glaçure. Elle doit contenir une certaine quantité d'oxyde de fer rouge et être suffisamment rigide (visqueuse) pour supporter les gouttes d'huile formées, mais pas trop pour permettre le dégagement de l'oxygène. Des bases feldspathiques sont parfaitement adaptées pour créer les gouttes d'huile.
 
Voici quelques bonnes recettes :
 
Bailey’s Oil Spot Cone 10/11
(images 1 & 2)
 
 

Feldspath Custer

25.51

Feldspath sodique NC-4

35.71

Kaolin EPK

15.30

Talc

5.10

Dolomie

5.10

Fritte Ferro 3110

5.10

Silice

8.16

-

Oxyde de fer rouge

6.00

 

1. Tasse 1, John Britt, 2003, recette de Gouttes d'huile de Bailey, porcelaine de Grolleg, cuisson en oxydation à cône 11, 13 x 10 x 10 cm

 

2. Détail de la tasse 1, John Britt, 2003, recette de gouttes d'huile de Bailey, porcelaine de Grolleg, oxydation de gaz du cône 11, 13 x 10 x 10 cm

 
John’s Oil Spot #3 Cone 10/11
(Fonctionne bien en four électrique)
(images 3 & 4)
 
 

Feldspath sodique NC-4

54.62

Silice

29.41

Craie

4.20

EPK Kaolin

7.56

Dolomie

4.20

-

Oxyde de fer rouge

6.72

Carbonate de cobalt

4.20

 

3. Tasse 2, John Britt, 2002, porcelaine de Grolleg, cuisson en oxydation en four électrique à cône 10, 10 x 7,5 x 7,5 cm

 

4. Détail de la tasse 2, John Britt, 2002, porcelaine de Grolleg, cuisson en oxydation en four électrique à cône 10, 10 x 7,5 x 7,5 cm

 
Traditional Oil Spot Cone 10/11
 
  

Feldspath Custer

80.18

Silice

5.66

Craie

3.77

Talc

4.71

Cendre d'os

5.66

-

Oxyde de fer rouge

8.50

Montmollin Oil Spot Cone 10/11
 
  

Feldspath Sodique F-4

68.40

Silice

17.80

EPK Kaolin

4.90

Talc

8.90

-

-

Oxyde de fer rouge

7.11

Carbonate de cobalt

2.00
 
Chaque recette contient un montant élevé de feldspath, plus de 50%, une certaine quantité d'oxyde de magnésium, de talc ou de dolomite, et entre 6 à 8,5 % d'oxyde de fer rouge. En conclusion, la glaçure doit être cuite entre le cône 10 et 11, ce sur quoi je reviendrai plus tard.
 
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Un autre facteur critique est le mode d'application de la glaçure. Si l'application n'est pas assez épaisse il n'y aura aucune goutte d'huile ou seulement de très petites taches, alors qu'une application plus épaisse donnera de plus grandes taches (voir l'image 5). L'épaisseur finale de la glaçure déposée devrait être au moins 1/8 de pouce (3 mm) et peut aller jusqu'à 1/4 de pouce (6 mm). En Général si vous appliquez une glaçure à cette épaisseur elle coulera et collera le pot sur la dalle de cuisson. Mais ceci n'arrive pas très fréquemment avec les gouttes d'huile parce que ce type de glaçure feldspathique est déjà si rigide et que lorsque le fer est cuit en oxydation il est réfractaire, ce qui rend la glaçure encore plus visqueuse. Ceci a souvent comme conséquence un écoulement figé à la base des pots, caractéristique des glaçures "gouttes d'huile" (voir l'image 6).
 

5. Détail d'application de la glaçure "gouttes d'huile", épaisse et mince, John Britt, 2004
6. Bol à thé, John Britt, 2004, grès blanc, cuisson oxydante au gaz à cône 11, dimensions 7,5 x 7,5 x 7,5 cm
 
Pour récapituler, les glaçures "gouttes d'huile" sont généralement des glaçures visqueuses qui contiennent de l'oxyde de fer rouge et l'oxyde de magnésium. La glaçure doit être appliquée épaisse et cuite en oxydation à cône 10 ou 11. Si vous suivez ces étapes simples, les glaçures "gouttes d'huile" ne seront pas plus mystérieuses ou illusoires que n'importe quel autre type de glaçure. La difficulté pour beaucoup de personnes est qu'elles veulent cuire toutes leurs glaçures avec un cycle de cuisson unique basé sur une réduction précoce. Elles mettent des éprouvettes d'essai de gouttes d'huile dans ce type de cuisson et ne parviennent qu'à la déception. A cause du fer qui a été réduit trop tôt ils n'obtiennent aucune goutte d'huile et pensent que c'est une glaçure difficile à réaliser. Le changement d'atmosphère du cycle de cuisson est juste tout ce qui est essentiel pour y parvenir.
 
Une fois que vous connaissez bien le mécanisme responsable de l'effet "gouttes d'huile", il est vraiment facile à obtenir. La partie la plus ardue mais néanmoins amusante de ce travail est la création des variations d'effets et la mise au point de formes qui accentuent ces effets. Par exemple, vous pouvez changer la taille des gouttes en variant la durée de la cuisson entre cône 7 et cône 11. Si vous allez lentement, (4 heures), les gouttes seront plus grandes, alors qu'aller plus vite donnera de plus petites gouttes. C'est parce que le processus de libération de l'oxygène prend du temps et que le rallongement de la cuisson permet de libérer plus d'oxygène, alors que la cuisson plus rapide peut laisser de grandes boursouflures béantes (cratères) à la surface de la glaçure. (Ceci peut être corrigé simplement par recuisson de la pièce.). Vous pouvez employer un cycle de cuisson légèrement plus compliqué pour réduire ces cratères. Dans ce cycle de cuisson le four est en pleine oxydation à cône 9 et il est alors mis en réduction jusqu'à cône 11. Ceci arrêtera le bouillonnement et à fera jaillir le fer à l'extérieur en créant une surface de glaçure plus douce. Les éprouvettes de contrôle (petites tuiles émaillées) sont extrêmement utiles pour déterminer l'achèvement de la cuisson.
 
Une autre variation intéressante est l'effet "fourrure du lièvre". Ceci peut facilement être réalisé en cuisant les glaçures plus haut, au-dessus de cône 11, ce qui fait écouler la glaçure vers le bas sur les côtés du pot, en étirant et allongeant les gouttes. Une autre variation intéressante est de poser une glaçure visqueuse de couleur claire par dessus la glaçure "gouttes d'huile". Ceci créera un glaçure tachetée à effet "léopard" causé par les dessins du fer sur sa surface (images 7 & 8). Ce sont seulement quelques unes des variations innombrables possibles avec les glaçures "gouttes d'huiles".
 
 

7. Brûle-encens, John Britt, 2003, porcelaine de Grolleg. Recette gouttes d'huile de Bailey avec superposition de glaçure jaune. Cuisson oxydante au gaz à cône 11, dimensions 7,5 x 10 x 10 cm
8. Détail de brûle-encens, John Britt, 2003, porcelaine de Grolleg. Recette gouttes d'huile de Bailey avec superposition de glaçure jaune. Cuisson oxydante au gaz à cône 11, dimensions 7,5 x 10 x 10 cm
 
A partir de cet article vous pourrez réaliser combien il est simple de réussir l'effet "gouttes d'huile". Et sachant par quel procédé le produire, il vous ôte le besoin d'effectuer tout rituel sacrificatoire sur vos assistants. Si tout va bien, vous pourrez utiliser ce savoir comme tremplin pour créer de nouvelles et belles variations sur cette glaçure antique.
 
 
John Britt
 
 
 
Article et images par courtoisie de John Britt © John Britt 2004.
Voir plus sur les travaux de John Britt sur son site web : https://johnbrittpottery.com/
 
 
 
 
 
MATIÈRES NORD-AMÉRICAINES UTILISÉES DANS LES RECETTES :
 
FRITTES :
Ferro 3110 : K2O 0,064 Na2O 0,644 CaO 0,293 Al2O3 0,095 B2O3 0,097 SiO2 3,003
  
Matières premières et équivalents Européens :
 
Feldspath F-4 : Commonly used soda feldspar; used in porcelains because of its low iron content. Composition % 6.90 Na2O 4.8 K2O 0.05 MgO 1.70 CaO 19.60 Al2O3 66.80 SiO2 0.04 Fe2O3 0.20 Perte au feu = Feldspath CR-79 (DAM - IMERYS)
 
Feldspath Custer : Commonly used potash feldspar. Can be used to substitute for Keystone, BuckinghamFeldspath CR-79 (DAM) , Yankee, or Kingman feldspars. Composition % 2.91 Na2O 10.28 K2O 0.30 CaO 17.35 Al2O3 69.00 SiO2 0.12 Fe2O3 0.04 Perte au feu = Feldspath ICE 10B (DAM - IMERYS)
 
EPK Kaolin (Edgar Plastic Kaolin, origine Floride) : CaO 0.18 MgO 0.10 K2O 0.33 Na2O 0.06 P2O5 0.24 TiO2 0.37 Al2O3 37.36 SiO2 45.73 Fe2O3 0.79 Perte au feu 13.20
 
Feldspath NC-4 (mixte) : Composition % 1.40 CaO, 0.05 MgO, 4.10 K2O, 6.80 Na2O, 18.85 Al2O3, 68.15 SiO2, 0.07 Fe2O3, 0.09 Perte au feu.
 
 
 
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